Emmanuel Haller (banquier à Paris, fils de Albrecht von Haller)

Les premières lettres que nous possédons d’Emmanuel Haller, écrites d’Amsterdam en 1768, sont adressées à Horace Bénédict de Saussure, l’illustre successeur de Louis Necker à la Chair de physique de l’Académie de Genève; lettres qui ne se rapportent guère qu’a de petites commissions pour le savant genevois et ses amis, - livres, catalogues, papaier, étain de Malacca, drogues tropicales, vin du Cap, fluers et oignons rares - , mais par lesquelles nous savons que Haller est à Amsterdam depuis l’âge de vingt ans et s’y occupe de commerce d’épicerie coloniale; en 1774, il se félicite de ses affaires "qui vont beaucoup mieux que je n’aurois osé me flatter”. A cette époche également, un banal litige commercial nous fait connaître une société de commerce Haller & Cie, Négociants à Amsterdam, en comptes avec une maison de commerce à Bordeaux pour un envoi de 24 barrique de sucre.
(S.620)

Les approches de l’alliance franco-américaine, les préparatifs de la marine de guerre française qui fait passer d’énormes commandes à Amsterdam et, par intermédiare de la Hollande, aux pays du Nord, les accaparements de denrées coloniales en prévision des hostilitiés et les besoins d’approvisonnement des Américains font flairer les possibilités de profits magnifiques, et le "cher ami" Haller est l’homme à qui s’adresser pour avoir part à la curée iminente.
(S.603)
(...)

Greffhule, aussi, pour le compte de Haller et d’autres correspondants, mais aussi pour le sien propre, ramasse jusqu’à Trieste des tabacs, des thés,des cafés, des gommes de Sénégal et autre denrées; à la fin de février, il se dir "couvert d’argent comme un crapaud de plumes"...
(s.606)

A partir de la fuite et de l’arrestation du roi, qui marquent l’échec de la monarchie consitutionelle, les ruptures d’équilibre politique et économique se succèdent; à partir d’octobre 1791, les nouvelles de la révolte de Saint-Domingue – qui, privant la France de sa position d’exportatrice de sucre et de denrée colonials qui avaient jusque-là équilibré tant bien que mal sa balance commerciale, va précipiter la deterioration de la monnaie et des change – suscitent d’abord und double série de reactions contradictories: d’une part, profiter de la hausse des prix qui s’annonce par le procédé classique des "accaparements de merchandises”; d’autre part, liquider à tout rpix les affaires en France, désormais sans espoir, et ganger l’Angleterre. C’est d’abord la fièvre de speculation et de gains rapidesqui l’emporte. Ainsi, le 12 janvier 1792, Gerffulhe, Montz & Cie, certains d’être les premiers informés de l’aggravation des émeutes de Saint-Domingue et de l’incendie de Port-au-Prince par les correspondants des Nantes, et prévoyant que des évenements "doivent faire une très grande sensation sur les denrées d’Amérique”, expedient des dépèches à Haller. Déjà établi à Marseille, à Henry Simons, leur partenaire à Dunkerque et des estafettes jusqu’à Anvers. Amsterdam et Hambourg pour faire rafler partout autant de sucre et de café qu’on y trouverait.

[Herbert Lüthy, La Banque Protestante en France - De la Révocation de l'Edit de Nantes à la Révolution, Paris 1959, Bd. 2]