Voyage au Brésil en 1836

Manuscrit anonyme, 18 pp. in-4 ; Le Havre/Rio, 25 février/10 mai 1836. Fentes aux plis et quelques imperfections le long des bords, sans perte de texte. Joint : feuille in-4 obl., avec dessin (vue de la baie de Rio).(3000.-)2000.-

Extraordinaire "Journal de bord - Narration de la traversée du Havre à Rio", écrit avec précision, jour après jour, par un jeune commerçant suisse se rendant pour la première fois au Brésil afin d'y vendre sa marchandise. La spontanéité de ce texte riche en observations subtiles et amusantes nous donne l'impression de voyager avec son auteur ! Conditions climatiques, vents, problèmes à bord du bateau, début d'incendie, heureusement vite maîtrisé, dû à certains acides transportés dans la soute, le tout agrémenté d'un "... capitaine... toujours gai et gd amateur de chansons, vaudevilles, opéras...", etc. Après une traversée de 49 jours, le samedi 9 mai enfin "... un mirage fantastique... la terre du Brésil... nous la dévorons des yeux... à chaque instant de nouvelles terres et au loin le Pain de Sucre, sentinelle avancée de la Baie de Rio... Nous voyons les phares des ports de Santa Cruz et de l'île Rase...". Le lendemain, grâce à brise dite "Vivacau", le bateau fait son entrée dans la rade, "... le ciel est d'un bleu superbe, nous avons... une foule d'îles et d'îlots verts avec leur place hérissée de récifs... puis de petites anses et de jolies vallées parsemées de clochers de villages... devant nous l'immense baie de Rio... les pavillons Français, Anglais, Américains, Russes, Autrichiens... garantissent la sécurité et la tranquillité de la ville aux 150.000 esclaves...". Le débarquement se fait sous l'œil complaisant d'une douanier "... fashionable qui a offert de nous descendre à terre avec lui [et] ... les2 Français qui en ont profité pour descendre en sureté une foule de petits objets de contrebande... sur la place du palais au milieu d'une foule de... blancs, mulâtres, noirs et notre douanier a poussé [Brésil, 1836 - Suite] l'obligeance jusqu'à nous conduire chez Neuville, café français, où il nous a régalé d'une excellente limonade. Il ne faut pas confondre le Douanier Brésilien avec l'ignoble douanier Français ou le vil gablou Savoyard..." ! Le premier souper brésilien fut "... excellent, composé de poissons, gibier, roast beef à l'anglaise, bananes, oranges, ananas, goyaves, etc., le tout arrosé de porto délicieux..." Le 10 mai 1836, le jeune homme nous promène dans la ville de Rio (trois pages d'un intérêt hors du commun !) où il a vite retrouvé, parmi ses habitants, plus de 200 noms suisses fort connus, originaires de presque tous les Cantons helvétiques ! Il visite la plantation de M. Flach de Schaffouse, puis couche "... à la pointe de Cajou à la maison de campagne d'un Vaudois, M. David Troyon..." ; le lendemain, à cheval et accompagné d'un nègre, il traverse une "... campagne délicieuse..." avant d'arriver à la plantation de M. Flach, construite au sommet d'une colline dominant la baie ; on l'y accueille "... en sablant de l'absynthe... et du kirsch. Après un copieux déjeuner...", visite de la plantation, puis jeux de quilles à la "Venda Grande", avant d'aller dîner, "... servi par une 20enne de nègres, négresses et mulâtresses... Vous n'avez aucune idée en Europe de la manière large dont on pratique l'hospitalité dans ce pays-ci..." où l'on est régulièrement invité à table "... lorsque l'heure du dîner coïncide avec celle de la visite...". Il y a à Rio "... des Sociétés de lecture en miniature dans lesquelles l'on peut fumer..." et trouver des journaux et des revues européennes. En revanche, on "... assassine ici les hommes comme des mouches. Depuis mon arrivée ici on a poignardé 2 personnes et assommé une troisième. C'est en général pour des affaires de galanterie, ou des vengeances de noirs... le jeune David... a été tué en sortant du théâtre par un quidam qui l'a pris pour un autre et qui, s'apercevant trop tard de son erreur, lui a fait ses excuses et s'est eclipsé... La police n'arrête pas un assassin sur 50... Les Brésiliens sont en général bonnes gens, mais les Portugais sont presque tous des grands gredins... Au reste il ne faut pas vous effrayer de ce tableau véridique... Je suis très content, j'ai déjà écoulé bonne partie des marchandises... Les affaires qui se font ici sont énormes et je suis toujours plus étonné de l'effrayante masse de marchandises que consomme un pays de 5 millions d'habitants. Il y a tous les jours... deux à trois navires en décharge à la douane d'Alfandege et les droits de douane... produisent une somme énorme, seule ressource du gouvernement...", etc., etc.

Formidable document original et inédit, accompagné d'un beau dessin à la plume fort précis (cm 36 x 11) nous montrant une baie de Rio où naviguent de nombreux bateaux à voile, les différents reliefs l'entourant, les forts qui la dominent (avec légendes numérotées et rajout d'un petit dessin au crayon représentant la "montagne des Signaux" et ses habitations), les îles, le célèbre Pain de Sucre, le village "La Gloire", etc.

[Extrait du catalogue de L'AUTOGRAPHE S.A.Geneva - Switzerland, Tel : +41 22 348 77 55 http://ourworld.compuserve.com/homepages/autographe/cat45.htm]