Tout a commencé par ma réflexion sur l'histoire du canton de Saint Gall. Naturellement la partie historique
d'un programme de cabaret critique devrait prendre son départ à la fondation du canton, à la Révolution
Française et la Période Helvétique, à l'acte de médiation de Napoléon en 1803 et au fondateur Mueller-
Friedberg.
Bientôt pourtant le goût du débat politique et de provocation m’a tenté: Pourquoi ne pas enrichir la joie
officielle du canton bourgeois par la célébration d'une autre année 1803 ? Ou même par le choix d'un jubilé
totalement différent, loin du patriotisme de clocher Suisse ? Mes recherches (dans ma tête, dans les livres
d'histoire et sur le net) ont produit des résultats intéressants et ironiques: 350 ans de Guerre Paysanne,
250 ans de scorbut, le bicentennaire de la vente de la Louisiane par les Français, le bicentenaire du
chocolat, le centenaire du bolchévisme et 50 ans de DNS...
Finalement, la trouvaille, par hasard: la mort de Toussaint Louverture au Fort de Joux, (près de la frontière
Suisse) en 1803, et l‘expulsion des Français d‘Haïti par la révolution noire et le mouvement d'indépendance la
même année. D’un coup tout s'est arrangé. Il y avait la ressemblance de la Suisse (le canton de Saint Gall
inclus) avec Haïti: deux petits pays, deux mouvements d'indépendance sous l'influence de la Révolution
Française et de la politique extérieure de Napoléon. Et il y avait avant tout les différences: blancs et noirs, le
premier monde exploitant et le tiers monde exploité ainsi que des conditions de départ du développement
national qui ne pourraient être plus différentes. Et aujourd'hui encore, les résultats découlant de ces
différences: un pays parmi les plus riches de notre planète et l‘autre parmi les plus pauvres.
Peu à peu ma réflexion sur l'histoire d'Haïti et sur la biographie de Toussaint Louverture a pris de plus en plus
d’envergure. Au début Haïti avait été une note au bas de la page du bicentennaire saint-gallois. A l’avenir, le
bicentenaire saint-gallois pourrait être une note au bas de la page de l'histoire de Haïti et de la libération des
peuples d'Afrique, d'Asie, d'Amérique Latine et des Caraïbes. Il n’est pas encore clair où se situera finalement
le projet "Louverture meurt en 1803" entre ces deux pôles. Mais certainement assez loin du patriotisme
cantonal et eurocentriste qu’il nous faut craindre pour l'an 2003.
Hans Fässler, janvier 2001
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