La prédication politique en question

Professeur de théologie pratique à l'Université de Genève, Henry Mottu applaudit l'initiative de Théo Buss dont il partage largement la vision du monde. « Je sais bien que cet avis demeure très minoritaire. Mais j'estime que les prédications politiques manquent cruellement aujourd'hui. Les pasteurs font du piétisme, évitent soigneusement d'évoquer l'actualité ou la politique et c'est dommage ». Pour l'enseignant, malgré ses écueils, la prédication politique a la mérite « de rendre la parole de Dieu actuelle. Pour dépasser les commentaires exégétiques, comme disait Barth, il faut lire la Bible mais aussi les journaux ». Henry Mottu évoque «l'autocensure » de beaucoup de ministres face aux questions d'argent et parle de «généralités pieuses qui s'éloignent du message fondamental de l'Evangile». De la provocation dans les propos de Théo Buss ? «Tant mieux, il est bon de secouer les conscience de temps en temps. Comme disait Bonhoeffer, l'alliance divine concerne tout le monde, mais la grâce a un prix. "Rappeler que le salut en Christ passe par la faiblesse, la pauvreté, ce n'est pas affirmer que Dieu n'aime pas les riches ». A Neuchâtel, son collègue Pierre-Luigi Dubied est plus réservé. « Il est vrai que théologie et prédication politique sont en net recul depuis une vingtaine d'années. C'est à la fois une bonne chose, parce ces messages étaient parfois très simplificateurs. Mais en même temps, on oublie désormais un peu trop que l'Evangile exhorte à ne pas tolérer n'importe quoi dans les actions humaines ». Pour le professeur de théologie pratique, il existe une « résignation » face à l'ordre des choses qui atteint aussi le corps pastoral. « En l'Eglise comme ailleurs, on préfère panser les plaies que s'interroger sur leurs causes ». En revanche, Pierre-Luigi Dubied ne pense pas qu'un temple soit le lieu où faire le procès des gens. « Il est possible de donner à réfléchir sur le sens d'un engagement chrétien sans opérer une division manichéenne du monde entre les bons et les méchants ». (ProtestInfo/Pierre Léderrey)